Alors que les particuliers fortunés sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à la finance durable, les professionnels du patrimoine doivent engager un dialogue actif avec leurs clients.


Le segment des particuliers fortunés et ultrafortunés est en pleine mutation, écrit Andreas Meier, Chief Investment Officer chez Lombard International Assurance. Jamais par le passé il n’a été composé d’individus aussi jeunes et diversifiés qu’aujourd’hui. Ce phénomène, conjugué à une prise de conscience croissante des enjeux liés au changement climatique, a placé l’investissement durable sur le devant de la scène, d’autant plus à une heure où les professionnels du patrimoine s’efforcent de répondre aux besoins d’une nouvelle génération de clients qui se soucient tout autant de la rentabilité de leur portefeuille que de son impact sur l’environnement.

Toutefois, les confusions régnant autour des solutions d’investissement durable restent tenaces, notamment en raison d’une absence de cohérence dans la communication. Or, ce manque de clarté prive les conseillers d’une occasion de gagner la confiance et l’attention de la prochaine génération de clients fortunés.
 

Croissance mondiale

Les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) constituent une grille de lecture permettant d’évaluer le caractère durable ou non d’un investissement. Selon la Global Sustainable Investment Alliance, les investissements de type ESG ont augmenté de +34 % entre 2016 et 2018 aux États-Unis, au Canada, au Japon, en Nouvelle-Zélande et en Australie.

En Europe, le total des actifs engagés dans des stratégies d’investissement durable et responsable a augmenté de +11 % sur la même période, pour atteindre 12 300 Mrd €. Bien qu’il représente encore une part relativement faible des investissements mondiaux, ce segment connaît une croissance telle qu’elle devrait retenir l’attention de tous les professionnels du patrimoine.

Cette croissance est en grande partie due à la part grandissante des femmes et des Millennials parmi les particuliers fortunés ou ultrafortunés. En effet, ces derniers sont davantage enclins à se constituer un portefeuille conforme à leurs valeurs et à leur éthique personnelle.

D’après une étude Morgan Stanley, 84 % des femmes manifeste un intérêt pour l’investissement durable, contre 67 % des hommes. EY estime de son côté que les facteurs ESG continueront de capter une part croissante des investissements mondiaux, alimenter par un transfert de 3 000 milliards $ de patrimoine au bénéfice des Millennials.

A cela vient s’ajouter un nombre croissant de mesures législatives et réglementaires adoptées au niveau international, renforçant ainsi l’importance des critères ESG dans le secteur de la gestion de patrimoine. En France, par exemple, l’article 173 exige déjà des investisseurs qu’ils rendent compte de la manière dont ils intègrent les critères ESG dans leurs politiques d’investissement.

Malgré l’importance incontestable du rôle que jouera l’investissement durable dans notre secteur et, plus largement, dans l’atteinte des 17 Objectifs de Développement Durable définis par les Nations-Unies, les particuliers ultrafortunés se montrent toujours réticents à intégrer dans leur portefeuille global des investissements conformes à leur éthique personnelle. D’après une enquête UBS, seuls 12 % des investisseurs ultrafortunés aux États-Unis ont réalisé des investissements durables.
 

Causes

On distingue trois causes majeures à cette réticence :
  • Une terminologie confuse : L’édition 2019 de l’Asia Sustainable Investing Review révèle que, malgré une amélioration des connaissances relatives à l’investissement durable, seul un investisseur sur trois est capable d’en donner une définition correcte. D’après une autre étude UBS, 72 % des investisseurs trouvent la terminologie confuse.
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  • La croyance selon laquelle investissement durable est synonyme de rendements plus faibles : Dans le passé, les investissements durables ont été assimilés à de la philanthropie. Cela est on ne peut plus faux : une étude récente de Morningstar sur les fonds européens montre que les fonds durables ont plus de chances de générer les meilleures performances et que plus de deux tiers d’entre eux dépassent même le rendement moyen de leur catégorie.
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  • La croyance selon laquelle l’investissement durable ne concerne que l’environnement : Dans le passé, les investisseurs ont eu tendance à se focaliser sur les aspects environnementaux et sociaux. Toutefois, il est important de rappeler que la gouvernance, qui est directement liée à la durabilité du secteur et son impact sur le risque, fait tout autant partie des critères ESG que l’orientation des investissements vers des causes environnementales ou sociales.
 
En réalité, la gouvernance d’une entreprise peut même jouer un rôle bien plus important dans la durabilité d’un investissement que les aspects environnementaux et sociaux, en particulier à court terme. Ces dernières années, nous avons vu de nombreuses entreprises perdre énormément de valeur ou frôler la faillite en raison d’une mauvaise gouvernance.

À l’inverse, des entreprises ont prospéré grâce à une bonne gouvernance. C’est le cas d’Unilever qui a ancré ses objectifs dans des pratiques durables, en reconnaissant que sa croissance y est inextricablement liée, et dont le chiffre d’affaires annuel a augmenté de près de 30 % entre 2007 et 2017, pour atteindre 48,7 Mrd €.

Maintenant que les anciennes et nouvelles générations de particuliers fortunés accordent une importance accrue à l’investissement durable, il est urgent que les conseillers financiers s’adaptent à cette tendance.

Pour fournir les meilleurs conseils à leurs clients, les professionnels du patrimoine devront entamer un dialogue actif et faire connaître efficacement les avantages et les opportunités que les investissements ESG peuvent offrir à leurs clients.
Andreas Meier - Chief Investment Officer Europe
Andreas Meier
Chief Investment Officer, Europe
Lombard International Assurance