Tribune de David Liebmann, Directeur de la distribution et de l’innovation pour l’Europe, responsable du marché français chez Lombard International Assurance. Initialement publiée dans la version papier de l'Agefi Actifs du 11 juin 2021.
 

Depuis le début de l’année 2020 et le coup d’arrêt soudain porté à l’activité économique par une pandémie sans précédent, les canaux digitaux permettent à l’ensemble des acteurs de la gestion de patrimoine de pouvoir rester opérationnels quelles que soient les circonstances. Très rapidement, le conseil et les instruments de vente à distance avec signature électronique, trop souvent boudés jusqu’à récemment et considérés comme optionnels, se sont avérés être un impératif indispensable pour assurer la pérennité de l’activité, et donc la survie et la pertinence de toute une profession. De la contrainte naît la créativité, selon la formule consacrée. 
 

 

C’est ainsi que de nouvelles fonctionnalités ont rapidement vu le jour sur des applications et plateformes digitales de services, permettant aux professionnels et à leurs clients de suivre, gérer et administrer électroniquement leurs contrats et opérations. Mais au-delà de la simple continuité du service et des considérations pratiques, c’est l’amélioration de l’expérience client et partenaire qui est très vite devenue l’enjeu majeur de la transformation digitale. Ainsi, bien plus qu’une simple transition accélérée, c’est un nouveau modèle de service et de relation qui a vu le jour en l’espace de quelques mois dans le secteur de la gestion de patrimoine, calquant et perfectionnant un modèle déjà bien adopté dans les services financiers plus grand public comme la banque de détail ou encore les activités de trading. 

Le secteur de l’assurance-vie luxembourgeoise en unités de compte ne fait pas exception et s’est clairement saisi de cette opportunité pour transformer son modèle de collaboration avec ses partenaires et clients, en dépit des contraintes réglementaires qui limitent une approche entièrement digitale. Alors que la quasi-totalité des acteurs du secteur s’efforcent de combler leur retard, poussés par une forte demande de leurs partenaires professionnels du patrimoine, ces derniers ne font pas de secrets de leurs attentes en la matière et prévoient un niveau de digitalisation « élevé » voire « très élevé » au cours des trois prochaines années dans le secteur de l’assurance-vie en unités de compte, selon une étude européenne menée par Lombard International AssuranceLes professionnels du patrimoine interrogés dans le cadre de cette étude identifient par ailleurs les technologies liées au service client, à la cybersécurité et les technologies mobiles comme les priorités principales de la transformation digitale. 

Fondé sur l’opinion de près de 700 professionnels de la gestion de patrimoine répartis dans 12 pays européens, le rapport de cette étude inédite révèle également que les capacités digitales figurent parmi les premiers critères que les professionnels de la gestion de patrimoine prennent en compte lorsqu’ils sélectionnent un fournisseur d’assurance-vie en unités de compte . Cependant, les professionnels de la gestion de patrimoine sont loin d’être impressionnés par la qualité des offres digitales actuellement proposées par leurs fournisseurs. Ainsi, l’indice de satisfaction générale des services digitaux disponibles à l’heure actuelle affiche une moyenne modeste de 2,89 sur une échelle de notation de 1 à 5 (5 signifiant « très satisfait »). Ce résultat reflète-t-il la frustration due à la disponibilité limitée d’une offre digitalisée ou le fait que ces solutions ne répondent pas à leurs besoins ? 

Le rapport fait apparaître de manière évidente le rôle fondamental joué par la technologie dans l’amélioration continue du service, le renforcement de la sécurité mais aussi l’offre d’une expérience sans cesse plus mobile, plus flexible et plus agréable. L’expérience client et partenaire est d’ailleurs le volet de la digitalisation qui monopolise le plus l’attention et les investissements, tant celui-ci incarne le degré d’innovation ou d’avance technologique de tel ou tel acteur de la place. C’est la partie la plus visible et la plus ouverte aux critiques. Certes, mais cela peut parfois mener à des travers lourds de conséquences. 

Une stratégie de digitalisation efficace doit mettre l’accent sur les fondamentaux plus que sur la cosmétique. Les besoins et attentes de l’ensemble des parties prenantes doivent se refléter dans la planification, la conception, la création, les tests et la mise en œuvre, avec des mises à niveau régulières. Dans notre secteur, la transformation digitale nécessite une approche sur mesure afin de s’intégrer naturellement au sein de modèles de service et d’architectures opérationnels existants, et au final d’en améliorer l’efficacité et la sécurité.

Interrogés sur les services supplémentaires que les fournisseurs d’assurance-vie en unités de compte devraient proposer, plus d’un répondant sur cinq (22 %) identifie « la souscription digitale et les e-applications » comme son option privilégiée, alors que les « solutions innovantes basées sur les besoins » arrivent en deuxième position (18 %). La digitalisation est de nouveau mentionnée en troisième position, avec le besoin de « solutions digitales permettant de réduire les coûts d’acquisition et d’augmenter la productivité du courtier » (16 %) . Ces résultats démontrent clairement que les professionnels du patrimoine sont en recherche d’outils collaboratifs innovants pour optimiser leur conseil et les services offerts. Par exemple, pouvoir suivre le processus de souscription et accéder à des rapports consolidés soutient leur rôle de distributeur, dans le respect des exigences réglementaires. 

Pour les compagnies d’assurance-vie en unités de compte, la souscription en ligne permet une nette amélioration de l’efficacité opérationnelle, une flexibilité accrue, ainsi qu’une gestion optimisée des flux et des volumes. A titre d’exemple, pour Lombard International Assurance, 64 % des nouveaux contrats ont été souscrits via notre plateforme Connect en France en 2020, grâce à un parcours entièrement dématérialisé. La signature électronique et le transfert sécurisé d’informations directement vers les systèmes de gestion des contrats réduisent le risque et renforcent la qualité de service. Il en va de même pour l’analyse automatisée des profils de risque ou la vérification instantanée des informations dans le cadre de la lutte anti-blanchiment.

Ainsi, la digitalisation permet aux différentes parties prenantes de gagner du temps et de se concentrer sur les besoins de gestion et les relations commerciales, pour travailler plus vite et plus efficacement, tout en amenant plus d’expertise et de valeur ajoutée. Ceci s’illustre également  à travers le rôle de plateforme d’investissement d’un contrat d’assurance-vie en unités de compte, qui nécessite une vue d’ensemble exhaustive et à jour de l’exposition aux marchés financiers. L’accès aux informations en temps réel et aux outils de transaction via une plateforme digitale de services permet aux intermédiaires de renforcer leur rôle en tant que gestionnaires de l’allocation d’actifs dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie en unités de compte. 

Mais il faut également retenir que tout en étant un formidable facilitateur, le digital n’est pas pour autant le premier critère de choix des professionnels du patrimoine lorsqu’il s’agit de choisir leurs fournisseurs privilégiés de solutions d’assurance-vie en unités de compte. En effet, les mêmes répondants à notre étude paneuropéenne affirment que la « qualité de service » est de loin le critère le plus important pour choisir un fournisseur privilégié, la « qualité des relations et de la communication » et le « savoir-faire et l’expertise technique » représentant respectivement les deuxième et troisième priorités . 

Ces observations illustrent clairement que, si le besoin de digitalisation demeure, celle-ci ne constitue pas la solution miracle qui garantira la pertinence future du secteur. Un contrat d’assurance-vie en unités de compte reste une solution sur-mesure, et la digitalisation constitue un moyen efficace d’offrir une personnalisation optimale des solutions et une meilleure gestion administrative ; surtout qu’à l’heure où les besoins des partenaires et clients évoluent en faveur de solutions plus personnalisées, dans un environnement de plus en plus complexe, le conseil se situe au cœur de la proposition de valeur. Cela requière une expertise humaine pointue et articulée autour de la structuration patrimoniale, la planification successorale, l’expertise transfrontalière, la connaissance du droit, la conformité spécifique au marché, etc. Seule l’expérience digitale combinée à l’expertise humaine permettra au secteur de répondre aux enjeux du monde de demain.