Article écrit par Peter Van Maldegem et initialement publié dans le journal L'Echo, le mercredi 19 juin 2019.
Retrouvez l'article ici: "Les fonds dédiés: un outil intéressant pour régler une succession".

Des assureurs spécialisés proposent des fonds personnalisés sous forme de produit d’assurance. Ces produits, connus sous le nom de «fonds dédiés», permettent également de gérer sa succession.

Un «fonds dédié» n’est autre qu’un fonds branche 23 personnalisé.Alors que les fonds de la branche 23 traditionnelle sont accessibles à tous, un fonds dédié est créé à la demande spécifique d’un investisseur.
Cette approche personnalisée  ne s’adresse cependant pas au commun des mortels. Car si la loi prévoit
un seuil d’entrée minimum de 125.000 euros, dans la pratique, les montants sont souvent plus proches
de 250.000 euros, voire du million d’euros. En Belgique, Lombard International Assurance et Vitis Life sont les
principaux acteurs du secteur. Les clients ne s’adressent pas directement aux assureurs mais passent par
un intermédiaire. «Il s’agit généralement de courtiers en assurance, de ‘family offices’ ou de banques qui viennent frapper à notre porte parce qu’ils sont à la recherche d’une solution pour un client, souvent dans le cadre d’une planification successorale», explique Nicolas Demarest, responsable de la branche belge de Lombard International Assurance. «L’intermédiaire commence par déterminer le profil de risque et les objectifs
du client. Ce dernier nomme ensuite un gestionnaire pour s’occuper de son portefeuille. Nous offrons la possibilité de choisir parmi 1.000 gestionnaires. Il y a également moyen de choisir plusieurs gestionnaires, mais dans ce cas, nous créons des fonds distincts dans le cadre d’une seule et même police d’assurance », explique Nicolas Demarest. Vitis Life, de son côté, collabore avec 30 sociétés de gestion de fonds. «La moyenne des montants investis dans les fonds dédiés se monte à 1,2 million d’euros», explique l’assureur. L’avantage de cette structure, c’est que le titulaire peut informer le gestionnaire de ses souhaits, par exemple du type d’investissement qu’il veut éviter ou, au contraire, inclure dans son portefeuille. La composition d’un fonds dédié peut être déterminée librement, même si certaines règles s’imposent. «L’autorité de contrôle luxembourgeoise a mis en place un cadre réglementaire pour les fonds dédiés. Il s’agit entre autres d’obligations en matière d’information et de règles d’investissement», ajoute Paul Van Eesbeeck, associé du bureau de conseil Vereycken & Vereycken. Par ailleurs, la loi belge sur les assurances fixe d’autres limites. Par exemple, les investissements dans le Private Equity sont autorisés, mais l’assuré ne peut pas investir dans sa propre entreprise via son fonds dédié», poursuit-il.

Discrétionnaire  

Une des règles majeures, c’est qu’il doit s’agir impérativement d’une gestion discrétionnaire. Dès que le schéma d’investissement est déterminé et que le gestionnaire a été choisi, ce dernier prend toutes les décisions d’investissement. Le client ne peut pas intervenir dans la gestion du fonds. Malgré les possibilités qu’offrent ces fonds dédiés, les Belges se montrent plutôt réservés. Cette attitude pourrait s’expliquer par la faillite – toujours dans les esprits – du spécialiste en planification patrimoniale Optima, qui a jeté une ombre sur les fonds (étrangers) de la branche 23. En tant qu’intermédiaire, Optima facturait des frais élevés sur les fonds
branche 23 proposés à l’étranger et se montrait peu transparent sur les coûts.

Transparence

Entre-temps, la directive européenne MiFID a imposé davantage de transparence en matière de frais des produits branche 23. Les fonds dédiés que Lombard propose en Belgique depuis 2016 doivent répondre à ces
exigences. Nicolas Demarest: «Chez Lombard, nous distinguons deux types de coûts. Pour un patrimoine d’un million d’euros, nous facturons chaque année en moyenne 0,45% du montant investi. S’y ajoutent les frais de la banque dépositaire, qui oscillent aux alentours de 0,25% selon l’institution, et 0,7% en moyenne de frais de gestion versés au gestionnaire. Cela donne au total 1,3% de frais annuels. Enfin, il faut ajouter la commission de l’intermédiaire.» Il faut également savoir que les fonds dédiés facturent des frais si le titulaire souhaite sortir du fonds peu de temps après sa création, c’est-à dire généralement dans les cinq ans. Mais dans la pratique, l’horizon de placement est beaucoup plus éloigné. «Huit clients sur dix utilisent un fonds dédié dans le cadre de leur planification successorale, poursuit Nicolas Demarest. C’est un bon moyen de conserver le contrôle de son capital et d’éviter le ‘syndrome Ferrari’. De nombreuses familles fortunées ont en effet appris à leurs dépens que ce n’est pas toujours une bonne idée de transmettre leur capital trop tôt à leurs héritiers, pour éviter de les voir s’offrir une Ferrari avec le produit des efforts de toute une vie», ajoute-t-il. Même son de cloche chez Vitis Life, qui considère cette possibilité de planification patrimoniale comme un atout important des fonds dédiés.
La formule la plus courante consiste à nommer les parents comme preneurs d’assurance et leurs héritiers comme bénéficiaires. Les enfants n’ont donc pas le droit de retirer de l’argent sans l’accord des parents.
Le contrat d’assurance peut aussi stipuler que les parents peuvent percevoir un revenu annuel sur ces capitaux.

Alternative à la garantie de capital
Les fonds dédiés étant des produits de branche 23, les capitaux ne sont pas garantis. Mais il existe des solutions. «L’année 2008 nous a appris à quel point nos investissements pouvaient être fragiles. C’est pourquoi nous appliquons parfois la méthode suivante: lorsque le fonds se situe à son niveau de départ suite à une correction boursière et que l’investisseur enregistre de ce fait une perte virtuelle sur son portefeuille, une assurance décès protégeant le titulaire entre en jeu. Cette assurance fera en sorte qu’il perçoive au minimum le capital investi. Bien entendu, il devra payer une prime pour cette assurance », explique Nicolas Demarest, de Lombard International Assurance.
 

Fiscalité

L’administration fiscale considère les fonds dédiés comme des fonds traditionnels de branche 23. La taxe de 2% sur les assurances s’applique dès lors au moment de l’entrée dans le fonds, mais les montants sont exonérés de taxe boursière, du précompte mobilier et de la taxe sur les plus-values. Ces avoirs ne tombent pas non plus sous le coup de la taxe de 0,15% sur les comptes-titres en vigueur depuis l’année dernière et qui touche les comptes-titres dont la valeur est égale ou supérieure à 500.000 euros. La fiscalité qui s’applique aux fonds dédiés n’a pas toujours été aussi claire. «En 2005, le Service de Ruling (ou Service des Décisions Anticipées, NDLR) avait déjà été mis sur la sellette à propos de cette structure. Il n’avait émis aucune réserve de principe et estimait que le régime fiscal applicable était le même que celui des autres produits de branche 23, pour autant qu’un tribunal ne qualifie pas autrement le produit, se souvient Paul Van Eesbeeck. En 2016, le Service de Ruling (en réponse à une question de Lombard International Assurance, NDLR) a exprimé ce principe en des termes clairs. Il considère par ailleurs qu’il ne s’agit pas d’abus fiscal. Les fonds dédiés doivent cependant répondre à certaines conditions, telle que l’obligation de recourir à la gestion discrétionnaire », ajoute-t-il. Les fonds dédiés échappent également à la «taxe Caïman». «Depuis le 1er janvier 2018, la portée de la taxe a été élargie. Résultat: l’apport ou la présentation de constructions juridiques du Panama ou des Îles Vierges britanniques et de sociétés ou fonds de placement enregistrés aux Îles Caïman dans un contrat d’assurance tombe sous l’application de la taxe de transparence. Mais si aucune de ces constructions juridiques n’est incluse dans ces fonds dédiés, la taxe Caïman ne s’applique pas», explique Denis- Emmanuel Philippe, du cabinet d’avocats Bloom.

Belgique

L’avocat souligne également que les assurances-vie liées à un fonds dédié et qui sont proposées par des assureurs belges ou les filiales belges de compagnies d’assurance luxembourgeoises sont aujourd’hui plus populaires que les assurances-vie proposées par les compagnies d’assurance luxembourgeoises. «Auparavant, la situation était inversée pour des raisons de discrétion, mais suite à l’introduction des ‘Common Reporting Standards’, les pays échangent des informations. De plus, le contribuable belge doit indiquer sur sa déclaration fiscale s’il a souscrit une assurance à l’étranger. Les contrats d’assurance belges, eux, échappent à l’échange automatique d’informations et à la déclaration obligatoire. Ces produits offrent donc encore un certain niveau de discrétion aux particuliers belges», ajoute Denis-Emmanuel Philippe. Les assureurs sont également tenus
de réaliser un screening approfondi des gestionnaires («due diligence »). En cas de problème avec le gestionnaire, l’argent de l’assuré n’est pas menacé, vu qu’il est juridiquement placé sur le compte de l’assureur.
Quid si la compagnie d’assurance tombe en faillite? «Dans ce cas également, les clients sont protégés, car
ces actifs, qui sont inscrits au bilan de l’assureur, bénéficient d’une protection juridique, mieux connue sous le nom de triangle de sécurité. Dans le pire des cas, l’argent peut être temporairement gelé», explique Nicolas Demarest. Les fonds dédiés peuvent par ailleurs être créés dans le cadre d’une assurance groupe. L’employeur peut choisir pour ses employés une formule branche 23 au lieu de la traditionnelle branche 21 à taux garanti.
Dans l’environnement de taux bas que nous connaissons aujourd’hui, c’est une façon de continuer à offrir le
rendement minimum légal de 1,75% par an. AG Insurance notamment utilise des fonds dédiés.

Retrouvez la version PDF téléchargeable de l'article ici : "Les Fonds dédiés - un outil intéressant pour régler une succession"