« Il est dans la nature humaine de planifier sur la base des connaissances actuelles, en regardant l'avenir à travers le prisme d'aujourd'hui. Mais cette nouvelle normalité exige une approche différente afin de se préparer à la « prochaine normalité ».
Pour chacun d’entre nous, 2021 semble marquer l'an 1 d'une nouvelle ère. Nos priorités ont changé ; notre société réapprend à fonctionner dans ce qu’il est coutume d’appeler « nouvelle normalité », tandis que nos économies continuent à endurer les effets des mesures de soutien. Le défi est sans précédent, avec une reprise en forme de K caractérisée par une dissociation entre les marchés financiers et l'économie réelle et des secteurs qui se redressent à des rythmes différents.
La pandémie a porté un coup aux PIB nationaux et les dépenses nécessaires pour maintenir l’économie à flot ont laissé dans leur sillage des niveaux d'endettement alarmants. Les propositions quant à la manière de faire face à cette situation abondent, certaines visant une augmentation des taux d'imposition, la (ré)introduction de l'impôt sur la fortune, d’une « exit tax » ou encore la création de nouvelles taxes. La facture est volontiers adressée aux plus riches, d'autant que les écarts de richesse se creusent de façon spectaculaire. Ce n'est un secret pour personne que les patrimoines des clients fortunés ont bien résisté en 2020, voir prospéré dans la plupart des cas. La réaction mondiale face à la pandémie a été relativement favorable à ce segment de clientèle : les valorisations des actifs ont grimpé en flèche, entraînant à l’échelle mondiale une hausse de la population des clients fortunés (UHNWI) de 2,4 % fin 2020, pour atteindre plus de 520 000 individus[1].
Néanmoins, les potentielles hausses fiscales dans les différents pays ne forment qu’une partie de l’équation. Les politiques gouvernementales, la géopolitique mondiale et la transmission du patrimoine à la génération suivante figurent en tête de liste des préoccupations des clients[2]. Si les personnes disposant d’un patrimoine financier ont su traverser cette tempête plus sereinement, aucune famille n'a été épargnée par la Covid-19 et ses effets connexes. Cette incertitude généralisée amène les clients, et ce quel que soit leur niveau de patrimoine, à reconsidérer leurs plans pour l’avenir, qu'il s'agisse de leur style de vie, de leurs investissements ou de la préparation de leur succession. Une récente étude a montré que près d'un quart des personnes fortunées basées au Royaume-Uni (24 %) ont modifié leur stratégie d'investissement ou financière personnelle en réponse à la pandémie de l'année dernière[3]. Ce que les clients souhaitent avant tout, c'est pouvoir trouver une certaine tranquillité d’esprit et visibilité alors qu’ils constituent leur patrimoine et organisent leur succession.
Or la tâche est loin d’être simple : la planification exige un certain degré de prévision ou, à tout le moins, l’élaboration de scénarios. La Covid-19 a remis en cause beaucoup de certitudes et de modèles existants, rendant cela encore plus difficile. C’est une nouvelle variable qui impacte tous les aspects de la gestion du patrimoine et de la succession
À ces pressions sur la planification patrimoniale post-pandémie s'ajoutent les exigences accrues des clients en matière de service – qui demandent un juste équilibre entre interactions humaines et solutions digitales fiables et facilement accessibles - et, plus largement, un profond désir d'exercer une plus grande influence sur le choix de leurs investissements, avec une attention particulière sur l’investissement à impact. Une étude récente a révélé que 86 % des particuliers fortunés, des family offices et des fondations estiment que leurs capitaux privés seront essentiels pour faire face au changement climatique[4]. À cela s'ajoutent les préférences générationnelles et la place que les différentes générations accordent aux différents besoins.
Il est dans la nature humaine de planifier sur la base des connaissances actuelles, en regardant l'avenir à travers le prisme d'aujourd'hui. Mais cette nouvelle normalité exige une approche différente : nous devons tirer les leçons des 18 derniers mois mais, si nous devons retenir quelque chose de cette pandémie, c’est de s’efforcer à imaginer l'inimaginable afin de mettre en place une planification patrimoniale adaptable et flexible dès aujourd'hui plutôt que d'attendre le prochain événement majeur. VUCA[5] ; BANI[6] ; quel que soit l’acronyme à la mode que l'on choisisse d'utiliser, nous vivons une époque peu propice à la placidité et planifier le plus tôt possible est d'autant plus important face à l'incertitude et à l'inconnu.
La combinaison de tant de facteurs a créé de nouvelles attentes en matière d'expérience client, et ce en un temps record. Il n’y aura pas de retour en arrière possible et il revient désormais aux gestionnaires de patrimoine, aux conseillers et aux fournisseurs de services financiers de suivre le rythme du changement. En peu de temps, dans un secteur dont la réussite repose largement sur la confiance et les relations humaines, la digitalisation est passée de prudente à impérative. Notre récente étude[7] a révélé que 75% des professionnels du patrimoine en Europe s’attendent à un niveau de digitalisation « élevé » à « très élevé » au cours des trois prochaines années dans le secteur de l’assurance vie en unités de compte. Les « technologies en matière de service client », la « cybersécurité » et les « technologies mobiles » sont identifiées comme des impondérables.
Les professionnels de la gestion de patrimoine doivent s'adapter aux changements opérationnels, commerciaux et réglementaires, notamment à la réglementation croissante en matière de développement durable et d'investissement à impact, afin de les utiliser à leur avantage et à celui de leurs clients pour faire face aux tendances émergentes. À mesure que les tendances évoluent, ils doivent trouver des moyens de se différencier à nouveau de leurs concurrents en termes de produits et de services, d’autant plus s’ils souhaitent se positionner comme les conseillers de confiance de leurs clients à ce moment critique de réévaluation de leur stratégie patrimoniale et successorale.
Car si le défi est sans précédent, 87 % des clients fortunés voient des opportunités dans un monde post-pandémie[8]. Alors que de plus en plus de clients fortunés réexaminent leur planification patrimoniale actuelle et que plus de 15 000 milliards de dollars de patrimoine devraient être transférés à l'échelle mondiale d'ici 2030[9], ils chercheront des conseillers, des gestionnaires et des fournisseurs de services financiers de confiance axés sur l'avenir, pour les guider dans le présent et les préparer à la « prochaine normalité ».
Simon Gorbutt
Director, Regional Head of Wealth Structuring Solutions
Lombard International Assurance
[2] Knight Frank, The Wealth Report, 2021
[5] Volatile, Uncertain, Complex, Ambiguous
[6] Brittle, Anxious, Non-linear, Incompréhensible
[8] Plus précisément, une opportunité d'investissement. Knight Frank, The Wealth Report, 2021